Luxembourg

Migrants internationaux et migration au Luxembourg

Birte Nienaber, Ursula Roos

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Le Luxembourg affiche ces quatre dernières décennies un solde migratoire positif dû tant à la migration intérieure qu'extérieure et qui était au plus fort en 2008 avec 7 700 personnes (voir illustration 1).

Alors qu'on enregistrait un solde négatif (-389) en 1967 avec un déficit migratoire surtout parmi la population italienne, le nombre des immigrés a augmenté en très peu de temps, ce qui fait que dès 1970, on enregistrait un solde positif de 1 091 personnes. Depuis ce temps, le nombre des immigrés est supérieur à celui des émigrés, ce qui fait que l'on a largement dépassé des soldes de 3 092 personnes (1990) et que depuis 2007, les valeurs oscillent entre 6 000 et 7 700 personnes.

Le solde migratoire positif chez les personnes venant du Portugal est particulièrement élevé depuis les années 1970. S'il était de 1 913 personnes en 1970, il se situe depuis 2005 entre 2 114 (2009) et 2 584 personnes (2008).

Depuis l'année 2000, les immigrés de France sont de plus en plus nombreux, leur solde migratoire de +184 personnes en 1990 est passé à +1 769 personnes en 2008. Une grande part du solde migratoire positif est cependant le résultat de l'immigration depuis les Etats européens. Ainsi en 2010 par ex., env. 80 % de l'ensemble des afflux migratoires proviennent de pays européens (voir Statec, pas d’année précisée. Note: Les références se rapportent à tous les paragraphes depuis la référence précédente).

Carte : Migrants internationaux et migration

Carte : Migrants internationaux et migration

Birte Nienaber, Ursula Roos, Université du Luxembourg

De 1981 à 2010, le nombre d'habitants du Luxembourg a augmenté de 364 850 à 502 066 personnes, dû à une forte croissance de la population étrangère d'environ 230 %, soit 216 345 personnes en tout (voir illustration 2 et tableau ci-dessous). Par conséquent, le pourcentage d'étrangers a augmenté, passant de 25,9 % en 1981 à un niveau maximum de soit 43,7 % en 2009. En 2010, le pourcentage d’étrangers a légèrement baissé à 43,1 %. Si l'on différencie la population non-luxembourgeoise par sa nationalité, on retrouve les pays d'origine les plus importants indiqués dans les soldes migratoires. Ainsi, avec 37 %, les Portugais constituent le groupe le plus important de la population étrangère, suivis des Français avec 14 % puis des Italiens, des Belges et des Allemands (voir Service information et presse du gouvernement luxembourgeois 2014).

Le pourcentage des étrangers actuel est beaucoup plus élevé dans la capitale avec environ 68 % (voir Service information et presse du gouvernement luxembourgeois 2014). Les personnes de nationalité étrangère ne répartissent pas uniformément dans la ville mais se concentrent plutôt sur différents quartiers. Les quartiers de la Gare, Kirchberg et Hollerich affichent les taux les plus élevés d'étrangers (voir Fehlen sans année précise, p. 5). Alors que les Portugais habitent en général le quartier de la Gare, Bonnevoie Sud, Gasperich, Eich, Weimerskirch, Grund, Clausen et Pulvermühle, les groupes de nationalité qui corrèlent fortement avec les cadres employés, vont vers les quartiers des plateaux de la capitale et notamment Limpertsberg, Kirchberg ou Belair (voir Institut pour la recherche sociale régionale 2008, p. 10, 76). Tandis que le quartier de la Gare affiche le taux le plus élevé d'étrangers avec 82 %, la population luxembourgeoise est majoritaire dans les quartiers de Cents, Hamm et Zessingen (voir Fehlen pas d’année précisée, p.5).

Solde migratoire selon les pays d'origine 1967-2010 (chiffres absolus)
Base de données : Statec, pas d'année précisée

En 2006 ont été également mesurés des pourcentages d'étrangers entre 50 et 65 % dans les communes de Differdange et d'Esch, à la frontière avec la France, ainsi qu'à Larochette et Strassen. Avec des taux entre 40 et 50 %, les communes qui se trouvent à portée directe de la capitale, mais aussi les communes proches de la frontière comme Remich, Echternach, Vianden, Weiswampach et Pétange ainsi que d'autres affichent des pourcentages d'étrangers légèrement plus faibles.

Les communes qui affichent des taux beaucoup plus faibles sont surtout situées dans le nord du pays où la plupart des communes présentent des pourcentages d'étrangers entre 20 et 30 %. Avec un taux de 10 à 20 %, le nombre des non-luxembourgeois dans les communes de Saeul, Vichten, Wahl, Goesdorf, Hoscheid et Consthum en 2006 était le plus faible (voir SESOPI-Centre Intercommunautaire asbl 2007, p. 12).

Les processus migratoires au Luxembourg peuvent être considérés selon différentes phases sur le plan historique, lesquelles dépendent fortement du développement économique. Étant donné que jusqu’à 1914, suite à la révolution industrielle, de nombreux Luxembourgeois ont émigré vers la France ou les États-Unis, le pays devait recourir à de la main-d’œuvre étrangère. Ainsi, de 1875 à 1910, la part d’étrangers a augmenté de 3 à 15 % (voir Scuto 2009, p. 343-344).

À partir de la fin du 19e siècle, le Luxembourg créa son propre appareil de gestion et de police pour mettre en place des lois en matière de politique de migration. Au début du 20e siècle furent misent en place des mesures d'intégration structurelles comme l'intégration de la population étrangère dans des institutions clé de la société et de l’éducation par exemple (voir Scuto 2009, p.34). La Première Guerre mondiale mit fin à la politique de migration libérale ; celle-ci fut remplacée par un régime protectionniste. En 1920, une loi fut promulguée « pour juguler l'afflux de personnes de nationalité étrangère dans le Grand-duché ».

Toutefois, le pourcentage des étrangers grimpa à nouveau jusqu'à 19 % du fait de l'essor économique jusqu'en 1930, avant de tomber à 13 % en raison de la crise économique mondiale. À cette époque, les personnes de nationalité allemande représentaient près de la moitié de la population étrangère (voir Scuto 2009, p. 343-345). Après la Deuxième Guerre mondiale, l'afflux de migrants d'Allemagne a périclité pour augmenter à nouveau avec l'établissement des banques allemandes dans les années 1970 (voir Pauly 2010, p. 67).

En outre, après la guerre, on manquait d'ouvriers dans le secteur du bâtiment et de l'agriculture étant donné que le Luxembourg avait beaucoup souffert de l'offensive allemande dans les Ardennes en décembre 1944. Les salaires plus élevés versés dans le secteur industriel ont fait que celui-ci put être réservé pour une grande part aux Luxembourgeois eux-mêmes, de sorte que dans le secteur de l'acier, le pourcentage des ouvriers immigrés depuis les années 1920 a reculé.

Du fait du manque de main-d’œuvre, le gouvernement recrutait depuis 1945 de la main-d’œuvre étrangère en Italie où elle se heurtait au gouvernement italien qui lui reprochait de se saisir de la valeur des Italiens sous prétexte qu'ils avaient été fascistes. En outre, l'Italie exigeait des contrats de travail d'une durée de deux ans afin de garantir aux immigrés une relative stabilité d'emploi tandis que le gouvernement luxembourgeois voulait limiter les autorisations de travail à six mois.

Ainsi, le premier accord bilatéral des travailleurs est entré en vigueur qu’en 1948 et a été renouvelé régulièrement jusqu'en 1957. Celui-ci prévoyait une limitation de l'immigration à un contingent annuel défini au préalable, exigeait le recrutement et l'embauche des immigrants en Italie même et imposait des contrats de travail à durée limitée qui pouvaient cependant être prolongés (voir Pauly 2010, p. 67).

Evolution de la population totale, des Luxembourgeois et des étrangers de 1981 à 2010
Base de données : Statec 2011, p. 93

Pauly (2010, p. 67-68) décrit la politique d'immigration luxembourgeoise des années 1950 comme frileuse. Elle était en contraste avec le besoin réel de la société luxembourgeoise en main-d’œuvre étrangère. Ainsi, le Luxembourg exigeait, tant dans le Traité de Paris pour la Communauté européenne du charbon et de l'acier (1951), dans le Traité de Rome pour l'instauration de la Communauté Economique Européenne (1957) que dans le cadre de l'entrée de l'Espagne et du Portugal dans la Communauté Economique Européenne (1985) et lors du Traité de Maastricht pour la création de l'Union Européenne (1991), un régime particulier pour ralentir l'entrée en vigueur de la libre circulation des travailleurs. Toutefois, le Luxembourg a renoncé à chaque fois de manière anticipée à ce régime particulier.

Au cours des années 1950, l'immigration d'Italie diminua étant donné que les salariés étrangers émigrèrent vers l'Allemagne ou la Suisse pour leurs salaires plus élevés ou restèrent en Italie. Le gouvernement assouplit alors les conditions d'immigration avec l'Italie, ce qui eut cependant peu d'effet étant donné que de tels accords bilatéraux étaient en outre caducs depuis 1961 (voir Pauly 2010, p. 68).

L'amicale Portugal-Luxembourg existe depuis 1969
Source : APL

Depuis le milieu des années 1960, le Luxembourg enregistrait une immigration accrue du Portugal, liée aux raisons économiques et politiques comme le service militaire et les guerres coloniales. L'accord sur le travail de 1970 avec le Portugal prévoyait contrairement à l'accord avec l'Ex-Yougoslavie un regroupement familial direct. Cela tenait au fait que le Luxembourg favorisait l'immigration de « blancs » et catholiques (voir Pauly 2010, p. 68).

Les travailleurs venus du Portugal trouvaient de l'emploi principalement dans le bâtiment, le ménage et les services à domicile. Cependant, ils avaient peu de contact avec la population locale. La faible scolarité et le manque d'habitats favorables généraient également des problèmes.

Dans le même temps, un autre groupe d'immigration s'est développé, celui des cadres de la finance et des fonctionnaires des institutions européennes ou internationales, ce qui fait que le Luxembourg pouvait être vu comme le modèle de la « double immigration » (voir Pauly 2010, p. 69).

Un autre phénomène encore peu analysé jusqu'alors est apparu dans le dernier tiers du 20e siècle, à savoir le nombre croissant de petites et moyennes entreprises dirigées par des personnes de nationalité étrangère. Le nombre des entreprises a triplé entre 1971 et 1991. Pauly ne précise pas si cela peut être vu comme un signe d'ascension sociale parmi la population étrangère ou l'arrivée d'un nouveau type de migration.

Dans le dernier quart du 20e siècle, le Luxembourg est passé de l'ère industrielle à l'ère postindustrielle, transition liée à une perte d'importance du secteur de l'acier et à une croissance du secteur financier (voir Pauly 2010, p. 69). Cette transition à provoqué une autre vague de migration et une diversification des immigrés. C'est notamment le nombre des migrants hautement qualifiés des pays du nord de l'Union Européenne, de l'Amérique, de l'Afrique et du Japon qui a fortement augmenté (voir Willems, Milmeister, Hartmann-Hirsch & Kollwelter 2009, p. 170).

Les travailleurs transfrontaliers jouent un rôle important dans la couverture des besoins de main d'œuvre (voir Pauly 2010, p. 70). Le phénomène des travailleurs transfrontaliers peut être vu comme le résultat de la forte croissance économique du Luxembourg et de son niveau de revenus plus élevé comparé aux pays voisins (voir Willems, Milmeister, Hartmann-Hirsch & Kollwelter 2009, p. 174).

Alors que la proportion des transfrontaliers sur celle des travailleurs employés dans le Grand-duché en 1980 était de 9 %, celle-ci a augmenté à 42,5 % en 2007 (voir graphique, p. 102). Ainsi en 2007, 133 400 transfrontaliers faisaient quotidiennement la navette vers le Luxembourg, 51 % de France, 26 % de Belgique et 23 % d'Allemagne (Wille 2007, p. 48).

Le nombre des transfrontaliers devrait continuer de croître à l'avenir. D'une part, le phénomène des transfrontaliers est vu par les Luxembourgeois comme une nécessité pour la croissance économique et le maintien de leur propre niveau de prospérité mais d'autre part, des points de vue sont publiquement exprimés selon lesquels ce phénomène met en danger la langue et la culture luxembourgeoises et serait donc une "menace" pour l'identité (voir Wille 2007, p. 49 & Wille 2011, p. 112).

Néanmoins, depuis le début des années 1980, le Grand-duché affiche nettement une « position favorable envers les étrangers ». En outre, on cherche à intégrer les personnes de nationalité étrangère dans les grandes institutions du pays d'accueil pour faire avancer l'intégration (voir Scuto pas d’année précisée, p. 348).

En 2008, le Parlement a voté une loi sur l'immigration visant la « création d'une politique d'immigration moderne, qui permet au pays d'une part de rester concurrentiel sur le plan économique et d'autre part de tenir compte de la longue tradition du Grand-duché en tant que pays d'immigration » (voir Scuto 2009, p. 349, Ministère des Affaires étrangères du Grand-Duché de Luxembourg external link).

Tableau : évolution de la population totale, des Luxembourgeois et des étrangers de 1981 à 2010
Base de données : Statec 2011, p. 93

Depuis les années 1990, de plus en plus de demandeurs d'asile d'Afrique ou des Balkans atteignent le Luxembourg (voir Pauly 2010, p. 69-70). L'arrêt de l'obligation de visa en décembre 2009 pour les pays des Balkans de l'Ouest (Serbie, Monténégro, Kosovo et Macédonie) a fortement augmenté le nombre de demandeurs d'asile au Luxembourg. Alors que dans la période de 2005 à 2006, entre 524 et 799 personnes demandaient l'asile chaque année, le nombre des demandes a augmenté à 2 150 en 2011.

Parmi ces demandes, 44 % venaient de Serbie, 21 % de Macédoine et 6 % du Kosovo, entre autres. 1 015 décisions ont été prises en première instance en 2011. Seules 35 demandes en vertu de la protection des réfugiés (30 demandes) et de la protection subsidiaire (5 demandes) ont reçu une réponse positive et 980 demandes ont été refusées (voir Eurostat 2012, p. 3).

Alors qu’en janvier 2012, le nombre des demandes était de 223, ce nombre est tombé de 91 à 132 demandes en février. (v. fig. 5). Sur ces demandeurs, 34 venaient de Serbie, 20 de Macédoine et 16 du Kosovo. 13 personnes venaient d'Albanie et du Monténégro, suivies de 7 personnes d'Irak, 5 de Libye et 3 de Tunisie. Parmi les demandes déposées, deux ont reçu une réponse positive en février 2012 (voir Ministère des Affaires étrangères 2012, p. 2, 4-5).

Demandeurs d'asile au Luxembourg 2007-2012
Base de données : Ministère des Affaires étrangères 2012, p. 2

Etant donné que le Luxembourg ne dispose pas d'un dispositif d'accueil centralisé, des conventions ont été négociées en 2012 entre le gouvernement et les différentes communes pour la prise en charge des demandeurs d'asile. La valeur de référence est de 4 demandeurs d'asile pour 1 000 habitants afin de couvrir les besoins en solutions d'hébergement. En mars 2012, 76 des 106 communes se sont declarées prêtes à accueillir des demandeurs d'asile.

L'État prend les frais d'hébergement à sa charge tandis que les communes fournissent des bâtiments appropriés pour un l’hébergement.

En 2012, les prestations financières et matérielles devraient être réduites et adaptées au niveau des pays voisins. En outre, il peut être demandé aux demandeurs d'asile de participer à des activités d'intérêt général. Ces activités sont limitées à 10 heures par semaine et rémunérées par un montant de 2 euros par heure (voir Le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg 2012).