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La production en céramique

 

Emile Decker

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Constituée de quatre entités, régions ou états situés au cœur de l’Europe, la Grande Région a été considérée de longue date comme une région d’un passé industriel prestigieux. Parmi les nombreuses branches d’activité, il en est une qui fut longtemps un fleuron de son savoir-faire ; il s’agit de la céramique est tout particulièrement, de la faïence.

Les potiers de terre cuite et de grès
Le travail de l’argile constitue une pratique ancienne dans cette région, puisque les premières céramiques découvertes sur le site archéologique de cette région remontent à 7 000 ans. Il s’agit de pots en terre cuite.

Que ce soit dans le Palatinat, le nord de la Lorraine, le Luxembourg ou la Wallonie, des centaines de sites du néolithique ancien appartiennent à la culture dite rubanée ou Linearbandkeramik. Ils produisent notamment des vases de terre cuite à décor en rubans incisés dans la pâte.

Durant des millénaires, la poterie de terre cuite était une activité domestique qui accompagnait la vie quotidienne des habitants de leurs villages en répondant à leurs besoins. Elle devint dès l’Age du fer l’activité d’artisans spécialisés ; la technique de façonnage au tour et la cuisson dans des fours plus élaborés attestent de cette évolution.

Carte : La production en céramique

 

Carte : La production en céramique

Emile Decker, Musée de Sarreguemines

A l’époque romaine apparaissent des officines dont la production est quasiment industrielle ; certains produits très fins et aboutis, comme la sigillée décorée de motifs en relief moulés, portent même parfois la signature de l’atelier dont ils sont issus. Ces établissements fournissent les forts romains qui jalonnent le limes au nord de la Grande Région, ils s’installent au bord des grandes routes ou des fleuves pour mieux diffuser leur production.

L’Argonne, le nord de la Lorraine, les land de Sarre et de Rhénanie-Palatinat connaissent de telles implantations. Pendant cette période, la gamme des objets réalisés en terre cuite s’étend largement : on fabrique des récipients pour les besoins domestiques mais aussi des briques, des tuiles et des tuyaux que l’on découvre lors des fouilles des villas romaines.

Manufacture Mathieu Servais, Andenne, assiette à la brindille Chantilly vers 1810, coll. Musée national de Céramique Sèvres
Photo : © Christian Thévenin

 

A la fin de l’Empire romain, l’économie et la société se transforment profondément. Durant le Haut Moyen Âge, la céramique ne constitue plus un produit à la technologie développée ; les formes se raréfient, et subissent pratiquement jusqu’au 6e siècle encore, l’influence de la vaisselle romaine. Les formes biconiques deviennent majoritaires et à l’époque carolingienne, elles cèdent la place aux formes sphéroïdales.

Les techniques de décors s’appauvrissent, ils sont souvent constitués de motifs répétitifs appliqués au moyen d’une molette. Parmi les ateliers découverts par les archéologues, on peut citer ceux d’Andenne et de Huy « Batta » en Belgique ; ce dernier centre connaît des phases d’activité de production depuis l’époque romaine jusqu’au début du 5e siècle, puis du 6e au 8e siècle. Dans le land de Rhénanie-Palatinat, quelques sites se distinguent, comme ceux de Mayen ou Speicher.

Il faut attendre la fin du Moyen Âge pour que la technologie évolue réellement. A cette période, la technique des fours connaît des progrès notables : les fours couchés permettent d’atteindre des températures importantes. A côté de la terre cuite, apparaît le grès, dès le 18e siècle. La région rhénane développe cette technique grâce à la présence dans son sol d’argiles propres à une cuisson en grès. La poterie de terre cuite n’est pas abandonnée pour autant. On la recouvre de plus en plus au cours du temps d’une fine couche vitreuse : la glaçure qui peut être colorée en vert ou en jaune.

La faïence
Dès la fin du Moyen Âge et à la Renaissance, se diffuse la faïence, terre cuite fine recouverte d’un émail blanc qui porte souvent un décor obtenu grâce à certains oxydes métalliques. Pendant longtemps, la Grande Région fait usage de la faïence sans en fabriquer réellement : c’est ce que nous révèlent les fouilles archéologiques. Au 17e siècle, des guerres ravagent cet espace ; la mortalité est importante en Lorraine et en Rhénanie-Palatinat, conduisant parfois à la désertification de certaines zones. Cette période est peu propice aux activités économiques et innovations technologiques.

Ce n’est qu’au début du 18e siècle qu’apparaissent les premiers centres de production. A l’époque, la Grande Région constitue une mosaïque politique : une partie de ce territoire appartient aux Pays-Bas autrichiens, une autre au duché de Lorraine, enfin d’autres territoires relèvent de duchés allemands. Cependant, sa situation au cœur de l’Europe occidentale la met en contact avec des régions qui vont se distinguer par leur dynamisme économique : la Grande Bretagne, les Pays-Bas et la France.

C’est en Lorraine que les créations de faïenceries sont les plus nombreuses ; elles profitent à la fois des conditions politiques liées à l’action des ducs de Lorraine, mais aussi des ressources importantes en forêts.

Toute la zone qui s’étend au pied de la forêt vosgienne et dans la forêt argonnaise voit apparaître des petites unités de production de type artisanal. Vers 1708, ouvre Waly, Champigneulles en 1712, Badonviller en 1724, Lunéville en 1730, Niderviller en 1735, Saint Clément en 1757.

Des praticiens habiles circulant d’une région à l’autre diffusent la connaissance des techniques. La qualité esthétique des produits est encore médiocre et la diffusion en est généralement locale. Mais certains établissements vont connaître un succès important en développant avec le temps une qualité de réalisation et de décors en faisant venir des pays ou régions limitrophes des artistes confirmés. C’est ainsi que Lunéville ou Saint Clément conquièrent leur notoriété.

La faïence remplace la vaisselle métallique dans les milieux de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie. Dans la première partie du 18e siècle, les décors sont peints avec des couleurs qui résistent au grand feu, c’est-à-dire à une température qui avoisinent les 900° et parfois plus. La palette est réduite, les couleurs sont franches : bleus de cobalt, rouge de fer, jaune d’antimoine, vert d’oxyde de cuivre, violet de manganèse.

Assiette en faïence stannifère à décor peint, faïencerie de Waly
Coll. et © photo :
Ville de Verdun, Musée de la Princerie  

Ce n’est que dans la seconde moitié du siècle que d’autres techniques permettent l’utilisation de teintes plus douces et plus nuancées : elles ne supportent que des cuissons de petit feu, autour de 750-800°. Le rose obtenu à partir du pourpre de Cassius, un mélange de chlorure d’étain et d’or, permet un travail de peinture d’une grande finesse.

Les thèmes représentés évoluent au fil des goûts et suivent l’évolution des arts décoratifs : les motifs de ferronnerie appartiennent à la première moitié du siècle, les fleurs, les oiseaux, les paysages et les personnages à la seconde moitié. L’exotisme se manifeste dans la décoration par des chinoiseries comme on peut, entre autres, les observer sur les productions des manufactures de Lunéville et des Islettes.

Théière en porcelaine à décor peints de fleurs allemandes, manufacture de Zweibrücken
coll. et © photo : Stadtmuseum Zweibrücken

La porcelaine
Dans la seconde moitié du 18e siècle, apparaissent de rares manufactures qui initient une pratique de la porcelaine. Cette matière est réputée précieuse et sa composition connue depuis près d’un millénaire en Chine est considérée comme un mystère en Occident. C’est à Meissen, en Saxe, qu’au début du 18e siècle, on met au point la première porcelaine dure européenne. De là, le secret se répand progressivement en Europe. C’est à partir du milieu du siècle que l’on observe les premières productions de porcelaines dans la Grande Région.

Dans les Pays-Bas autrichiens, dans la ville de Tournai François-Joseph Peterinck obtient des privilèges de l’impératrice Marie Thérèse afin de créer une manufacture de porcelaine en 1751.

En Rhénanie-Palatinat s’implante une manufacture de porcelaine à Frankenthal, créée en 1755 par Paul Hannong, un Strasbourgeois. En 1759, la faïencerie de Niderviller rachetée par Jean-Louis Beyerlé, débute également une telle production. D’autres établissements les imitent, comme Ottweiler en 1763 et Zweibrücken en 1769.

La plupart de ces fabriques vont souffrir de la Révolution française qui provoque l’exil de l’aristocratie, principale clientèle de ces entreprises. Les mouvements de troupes perturbent également l’approvisionnement et le commerce.

Les premières faïences à pâtes blanches
La seconde moitié du 18e siècle voit également apparaître un autre produit céramique, la faïence fine, celle-ci présente des qualités qui la rapproche de la porcelaine : sa pâte est blanche, fine, très plastique. L’enduit vitreux qui la recouvre est une glaçure, fine couche de verre, qui laisse apparaître la couleur de la pâte, mais c’est un produit encore poreux et il n’est pas translucide comme la porcelaine.

Plusieurs régions en Europe produisent d’une manière précoce cette céramique : l’Angleterre, la région parisienne, la Wallonie et la Lorraine. Chambrette, à Lunéville, présente officiellement le résultat de ces travaux en 1748 ; la famille Boch en fabrique à Audun-le-Tiche, puis, à partir de 1767, sur le site de Septfontaines au Luxembourg. A partir des années 1780, les établissements se multiplient : Liège ouvre en 1781, Andenne vers 1784, Sarreguemines en 1790 et Longwy en 1798.

Deux traditions se complètent : l’une est d’origine locale et utilise des terres argileuses blanches auxquelles on ajoute de la craie, de la chaux ou des frittes : elle porte le nom de terre de pipe. La seconde emprunte à l’Angleterre ses compositions et emploie des galets de silex ou de quartz calcinés : il s’agit du cailloutage.

Les autres faïenceries continuent de proposer une faïence stannifère à l’émail souvent très épais qui permet de cacher la pâte très rouge ou ocre. Les objets sont alors lourds et empâtés. Ils ne se rapprochent pas, comme les terres de pipe, de la finesse et de l’élégance de la porcelaine.

A la fin du 18e siècle, la terre de pipe nécessite des connaissances particulières et des sources d’approvisionnement de matières premières qui ne sont que rarement locales. Les gisements des argiles qui demeurent blanches à la cuisson sont rares.

Dans l’aire considérée, il existe deux grands ensembles d’extraction d’argile propre à la fabrication de la terre de pipe : l’un se trouve le long du Rhin dans la région de Coblence ou de Cologne, l’autre se trouve en Belgique, dans la région d’Andenne, où l’argile porte le nom de derle. Dans ces deux régions, la collecte de l’argile se fait dans des mines dont l’exploitation se poursuit parfois jusqu’au milieu du 20e siècle.

Pot à oille fin du 18e siècle, Septfontaines-les-Luxembourg, coll. Musée Gaumais Virton
Photo : © Eric Hanse
 
La céramique à l’âge industriel
Au début du 19esiècle, les centres de faïence fine prospèrent, alors que celles qui maintiennent la faïence traditionnelle de type stannifère connaissent de plus en plus de difficultés. Géographiquement, deux types de régions vont connaître un essor : celles qui sont situées près des gisements de matières premières et celles qui sont situées près des sources de combustibles, dans un premier temps, le bois, dans un deuxième temps, le charbon.

Au cours de la première moitié du 19e siècle, on assiste progressivement à une industrialisation des sites de production de céramique. Les investissements sont importants, les ouvriers sont nombreux et la production se fait dans des quantités importantes qui permettent de baisser les prix de revient.

C’est en grande partie grâce à de grandes familles d’industriels et aux investissements qu’elles accordent à leurs activités, que l’industrie céramique se développe. Elles sont souvent liées entre elles par des liens parentaux ou par des intérêts d’affaires ; en dehors des Boch, il faut citer aussi les familles suivantes : les Villeroy établis à Frauenberg puis Vaudrevange, les Nothomb à Longwy puis à La Louvière, les Utzschneider et De Geiger à Sarreguemines, les D’Huart à Longwy, les Keller à Lunéville, les Aubry à Toul, enfin les Dryander à Sarrebruck, puis à Niderviller.

Faïencerie Cappellemans à Jemappes au milieu du 19e siècle
Source : Herten, B. 1995 : La Belgique industrielle en 1850
En-Tête de lettre de la faïencerie de Sarreguemines, début du 20e siècle, coll. Musée de Sarreguemines
Photo : © Christian Thévenin

Dans le domaine industriel, au 18e et au début du 19e siècles, créer une entreprise ne demande que peu de capitaux : les locaux sont souvent des bâtiments préexistants, dans lesquels on insère l’activité.

L’outillage et le matériel de production sont encore limités : il n’y a pas ou peu de machines.

Les capitaux sont généralement issus du négoce ; un entrepreneur les regroupe en s’associant avec des amis ou des parents. Les bénéfices sont pour la plus grande partie réinvestis, permettant à l’entreprise de se développer.

Au milieu du 19e siècle, les choses changent : les capitaux nécessaires pour créer une entreprise compétitive deviennent de plus en plus importants, les infrastructures et le matériel devenant de plus en plus spécifiques et onéreux.

Les sommes investies viennent du grand commerce ou d’autres branches de l’industrie. Les chefs d’entreprises se tournent de plus en plus vers les organismes bancaires pour financer leurs infrastructures.

Au départ, les manufacturiers utilisent le plus souvent des bâtiments inoccupés : des fermes comme à Audun-le-tiche, des habitations civiles comme à Sarreguemines et souvent des édifices religieux issus des biens nationaux, comme à Longwy et à Mettlach.

Dans la première phase, les établissements ne comptent pas plus de 300 ouvriers environ, on utilise encore essentiellement l’énergie hydraulique, des fours à plan carré ou rectangulaire et le bois comme combustible ; les techniques d’élaboration des faïences fines restent encore expérimentales et relèvent du secret, la décoration en séries utilise des modes simples de reproduction.

Dans la seconde phase, le nombre des ouvriers s’accroît et l’architecture des établissements se modifie : l’organisation de la production ne se fait plus de manière verticale comme dans les manufactures mais de manière horizontale selon le fil des procédés de fabrication.

On procède aussi à une rationalisation de la fabrication : les tâches sont segmentées et simplifiées. Chaque ouvrier exécute un travail bien précis et répétitif dont l’apprentissage se fait rapidement. Le machinisme se développe, permettant un traitement de la matière première en grande masse.

Les machines à vapeur apparaissent, ce qui permet aux ateliers de s’éloigner des rivières et de fonctionner hiver comme été. La houille est un combustible de plus en plus utilisé et remplace le bois dans la cuisson, les fours sont ronds et possèdent de multiples alandiers sur le modèle anglais.

Pendant toute cette période, l’Angleterre, en avance sur le continent, sert de modèle. On y a très tôt mis au point des pâtes blanches d’excellente qualité. Wedgwood external link, dans son usine d’Etruria, est le céramiste le plus réputé de l’époque. Les produits anglais séduisent les clients continentaux par leur blancheur, leur légèreté et la finesse des formes et des décors.

Lorsqu’ils ne peuvent découvrir certains secrets de fabrication, les manufacturiers procèdent de manière différente et font venir sur le continent des techniciens anglais qui apportent avec eux leur précieux savoir-faire. L’un d’eux, G. Shaw prodigue ses conseils et communique ses secrets acquis chez Wedgwood à Wouters établi à Andenne en Belgique ; on connaît aussi la présence de John Leigh, graveur, à Wallerfangen, et l’on sait par les archives qu’une communauté anglaise est attestée à Sarreguemines.

Les faïenciers ne se contentent pas d’emprunter les formules et savoirs techniques, mais ils copient aussi les formes et les décors : beaucoup de frises peintes anglaises reproduites dans les pattern books, cahiers de modèles, anglais, sont reprises par les manufactures lorraines de Lunéville, de Saint-Clément et de Sarreguemines.

Les entreprises les plus importantes font disparaître les centres plus petits ou produisant des produits qui n’ont plus la faveur des publics. Le chemin de fer va favoriser l’essor de l’industrie : on peut faire venir plus facilement, à des coûts moindres les matières premières, et le charbon. Mais il va permettre aussi d’exporter les produits sur des distances plus grandes, d’agrandir les marchés et de se confronter à des concurrences nouvelles.

La gamme des produits proposés par les industriels de la céramique est très importante. Les objets de la table représentent la plus grande part de ce qui est proposé à la clientèle. Les services de table présentent des décors et des formes très nombreux ; certains services comportent plusieurs centaines de pièces. Ils sont constitués de plusieurs séries d’assiettes plates ou creuses.

 
Assiette en faïence fine à décor peint, manufacture Mouzin à Wasmuel, coll. Christian Leclerc, Emaux d'art de Longwy
Photo : © Christian Thévenin

Dans les repas, on a pris l’habitude, dans les milieux aisés, de changer les assiettes à chaque service ou d’adapter leur dimension aux mets. Pour faire face à un nombre de convives variables, on propose des soupières, des légumiers, des saladiers ou des terrines aux capacités variées. Les accessoires de la table deviennent de plus en plus nombreux et s’adaptent à des aliments spécifiques : assiettes à rôti, à asperges, à artichauts… On assiste à une sophistication de l’art de la table jusqu’à la fin du 19e siècle : dans l’exercice de la vie mondaine, c’est une façon d’exposer son rang social et l’excellence de son goût.

Les manufactures de Tournai en Belgique, Septfontaines au Luxembourg, de Niderviller et de Lunéville ont au 18e siècle joué le rôle de pionniers dans ce domaine. Au 19e siècle, ce sont Sarreguemines, Longwy, Mettlach et La Louvière qui se distinguent. Les manufactures proposent aussi des objets de décoration dont le nombre augmente après 1840-1850 : des vases, des coupes, des garnitures de cheminées, des jardinières, des pendules, de très nombreux bibelots et statuettes qui concourent à l’agrément des intérieurs. Dans la seconde moitié du siècle, la céramique d’architecture permet à ces entreprises de diversifier encore un peu plus leur production.

Les revêtements de sol sont fabriqués à Mettlach vers 1852 et à Merzig en 1857. Ils se spécialisent dans le carreau imitant la mosaïque, notamment après la découverte en Sarre de la mosaïque romaine de Nennig. Vers 1880, Sarreguemines et Longwy débutent une production de carrelage mural et offrent la possibilité d’agrémenter les murs des demeures et des commerces de panneaux à sujets animés : paysages, fleurs, ou personnages aux couleurs vives qu’une brillante glaçure recouvre et magnifie.

Usines de la Manufacture royale Boch entre-temps détruites en 2007
Photo : © Christian Thévenin

Les crises du vingtième siècle
Dans la Grande Région, la Première Guerre mondiale constitue une rupture dans le développement de l’industrie céramique. Durant le conflit, les usines fonctionnent au ralenti : une grande partie des hommes se trouve sur le front.

Dans l’entre-deux-guerres, la situation économique devient difficile pour toutes les usines. Les manufactures sarroises sont peu ou prou rattachées à la France où se situe à présent leur marché. La concurrence de pays méditerranéens se fait également sentir. Les commandes sont moins importantes que par le passé. Beaucoup de grands magasins et de grossistes réduisent leurs achats. La crise de 1929 a des répercussions très fâcheuses. Wallerfangen disparaît en 1932. Longwy connaît une crise importante. Mettlach et Sarreguemines se maintiennent.

Une grande partie de la production est constituée de vaisselle d’usage courant réalisée au pochoir et à l’aérographe. Cependant, la création artistique trouve un renouveau au cours de la période Art déco. La Seconde Guerre mondiale accentue le marasme. L’évacuation et la guerre arrêtent les usines momentanément. Les bombardements endommagent l’outil de production de Sarreguemines. Lorsque la reprise peut se faire, on se heurte à des difficultés d’approvisionnement en combustible.

Longwy abandonne la fabrication ordinaire et un groupe restreint assure une production de luxe. Mettlach cesse la production des carreaux muraux. Du côté français, certaines unités ne renouvellent pas leur outil de production après guerre, par manque de capitaux. Devant les difficultés, les manufactures vendent même leurs musées privés : Longwy en 1975 et Sarreguemines en 1987.

Longwy dépose son bilan en 1976 ; cependant, dans les années 1980, quatre établissements poursuivent la tradition des émaux. Sarreguemines, rachetée par le groupe Lunéville-Saint-Clément, cesse la fabrication de la vaisselle pour se consacrer au carreau de revêtement de sol, mais elle doit fermer en 2007.

En Allemagne, Mettlach retrouve un rythme de travail soutenu et conquiert les marchés européens et même américains. Des produits nouveaux lui assurent le succès comme la vitro-porcelaine pour laquelle des décorateurs talentueux créent des motifs et des formes séduisants.

A la fin du 20e siècle, les frontières s’estompent. C’est dans l’espace européen à présent que se joue la destinée de ces faïenceries, nées il y a plus de deux siècles à la frontière nord du département de la Moselle. Les familles qui les ont créées et administrées avaient déjà par leurs liens jeté les prémices d’une activité transfrontalière et anticipé une forme d’économie européenne.

 

Sources


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Liens externes


industrie.lu : Faïenceries et Poteries de grès au Luxembourg external link

Musée de la Princerie, Verdun external link

Musées de Sarreguemines external link

Musée de la céramique, Andenne external link

Musée municipal des Faïences et Emaux de Longwy external link 

Musée Saint Jean l'Aigle, Herserange (Longwy) external link

Terres d'Est - Manufactures Royales Lunéville - Niderviller - Saint Clement external link