Pays Noir
L'exploitation en charbon dans le Pays Noir
Malte Helfer
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Le bassin de Charleroi Le gisement se caractérise par un grand nombre de veines assez rapprochées, fortement faillées et plissées d’une épaisseur de 0,5 à 1,2 mètres ; il produit des charbons particulièrement précieux allant des anthracites à l’est aux charbons à coke à l’ouest, lesquels jouent un rôle essentiel pour l'industrie sidérurgique. Le gisement se fait particulièrement pauvre sur la Basse-Sambre, dans la partie orientale du bassin. Les déscriptions les plus détaillées de l'histoire du bassin minier de Charleroi ont été élaborées par Roger Berwart (1994) et Philippe Pellin. |
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Le document le plus ancien qui témoigne de l’exploitation de la houille dans la région de Charleroi date de 1251. Il s’agit d'un accord conclu entre l’abbé de Lobbes et l’archevêque de Cambrai, dans lequel il est stipulé que chacune des deux parties possède la moitié d’une exploitation houillère de Gilly. Le premier document se référant à l’exploitation houillère dans la Basse-Sambre est un décret datant de 1345 qui octroie à un certain « Gérars le charbonnier » l’autorisation d’exploiter une mine dans une forêt de Velaine-sur-Sambre. Par la suite, il est fait mention de la présence de plusieurs fosses, parmi lesquelles Lodelinsart en 1380, Gosselies en 1542, Jumet en 1544, Marchienne en 1570 etc. Pendant des siècles, le charbon trouvé à même la surface servit uniquement à chauffer et à alimenter les feux de forge. Ce n’est qu’à partir du 17e siècle que le charbon fut utilisé dans la fabrication du verre, puis dans la production métallurgique à partir du début du 18e siècle. |
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Boubier / Pays Noirhttp://gr-atlas.uni.lu/index.php/fr/articles/wi55/st71/pa89?task=view&id=411#sigProIdfc37d97c9f Source : Ancienne carte postale |
L'introduction de la machine à vapeur en 1735 C’est en 1735 que Jacques Desandrouin, grand industriel de l’époque, installa la première machine d’exhaure de Newcomen à Lodelinsart. Plusieurs grandes sociétés fondées une vingtaine d’années plus tard, comme Notre-Dame-au-Bois à Jumet et Sacré-Madame à Dampremy, s’équipèrent également de machines à vapeur atmosphériques. Ces machines, qui permettaient de progresser en profondeur, contribuèrent à augmenter la production et à baisser le prix du charbon, ce qui stimula l'industrialisation du bassin. L’industrie du fer prit alors son essor dans la région. Selon les documents de l’époque, 32 exploitations de grande taille étaient ouvertes en 1770 dans le Pays Noir, la plus influente étant la « Houillère Sacrée » à Gosselies. Venaient s’ajouter d’innombrables petite fosses appelées « cayats » qui, dotées de petits puits rarement maçonnés ou étançonnés, n’atteignaient pas souvent les 20 mètres de profondeur. Les mineurs descendaient dans ces puits de 1,5 à 2,5 mètres de diamètre grâce à un tonneau fixé à une chaîne qui était elle-même actionnée par un treuil à manivelle et servait à remonter le charbon extrait. |
Amélioration des infrastructures de transports Sous l’Ancien Régime, le droit sur les ressources minières était réservé aux seigneurs de la noblesse ou de l’église qui délivraient des permis d’extraction et bénéficiaient en contrepartie d’une part du charbon extrait ; suite à la promulgation de la Loi Mirabeau (à partir de 1791, au cours de l'extension de la Révolution vers d’autres régions), Napoléon attribua à l’Etat la régale des mines et le droit d'accorder des concessions en 1810. L’exploitation de la houille, dont le volume s'élevait dans un premier temps à 178 000 tonnes, se développa dans l’ensemble du bassin. C’est à cette époque que virent le jour la plupart des nombreuses sociétés charbonnières qui furent amenées à exploiter le gisement du Pays Noir au cours des 170 années qui suivirent. Elles furent nombreuses à se constituer sur la base des anciens cayats. L’une d’elles devint par la suite la Société Monceau-Fontaine, mais il y eut également la Société Nord de Gilly à Fleurus, les Charbonnages de Lodelinsart etc. En 1825, la production de charbon dans le Pays Noir dépassa celle de la région du Centre. En 1830, on dénombrait dans la région 128 puits dont le plus profond atteignait 200 mètres. On comptait 34 chevalements d’extraction et 11 machines d’exhaure. À cette époque, près de 75 % de la production du bassin étaient concentrés dans les communes de Gilly, Lodelinsart, Châtelineau, Montignies-sur-Sambre et Charleroi. En 1836 fut fondée la Société Monceau-Fontaine dont la concession s’étendait sur une superficie de 1 700 hectares, choses étonnante pour l'époque. A partir de cette date, la société fit l’objet de pas moins de dix extensions, ce qui l’amena à devenir le premier producteur belge de houille. |
Les conditions de transport défavorables contraignaient les charbonnages du Pays Noir à vendre leur charbon à des prix nettement moins chers que dans le Borinage ; ces prix étaient parfois divisés de moitié. L’ouverture du canal Bruxelles-Charleroi en 1832 permit de relier le bassin à la capitale. Ce n’est qu’avec l’ouverture en 1839 du canal français Oise-Sambre que le Pays Noir vit ses débouchés s’élargir au marché parisien, jusque-là réservé aux exploitations du Borinage, ce qui permit une forte expansion du bassin. En 1840, la production du Pays Noir dépassa celle du bassin de Liège. Toutefois, le Pays Noir était à cette époque le bassin le moins productif et le plus dépassé du Hainaut. A partir de 1841, une surproduction entraîna une chute des prix et des salaires (parfois de 10 % par an), ce qui provoqua une vague de faillites et de rachats. |
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Fiestaux / Pays Noirhttp://gr-atlas.uni.lu/index.php/fr/articles/wi55/st71/pa89?task=view&id=411#sigProId1e5e14aa2e Source : Ancienne carte postale |
Série de fusions pour améliorer la productivité Les fusions donnèrent naissance à de grandes sociétés fortes de nouveaux capitaux qui purent réaliser des investissements en vue d'améliorer la productivité : en 1846 fut créée la Société des Charbonnages de Charleroi ; en 1852, Monceau-Fontaine racheta le Charbonnage du Martinet. En 1862, le Charbonnage d'Amercoeur à Jumet s’unit à la Société de Naye-à-Bois. La production annuelle tripla en peu de temps, passant de 516 000 tonnes en 1835 à 1,7 millions de tonnes en 1847. En 1865, le Pays Noir avait également dépassé le Borinage en termes de production et était ainsi devenu le premier bassin houiller belge. Contrairement au Borinage, le bassin de Charleroi vit se développer une diversification industrielle : la sidérurgie y fut à certains moments la plus importante du monde avec un besoin énorme en charbon de coke. |
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Martinet / Pays Noirhttp://gr-atlas.uni.lu/index.php/fr/articles/wi55/st71/pa89?task=view&id=411#sigProId84e82eab81 Source : Ancienne carte postale |
Les puits devinrent de plus en plus profonds : ceux de Marcinelle-Nord et de Marchienne dépassèrent les 1 000 mètres de profondeur à la fin du siècle. La production atteignit 7,7 millions de tonnes en 1897. En 1868, la fusion de quatre exploitations donna naissance à la Société du Centre de Gilly. Les fonds provenaient de Charleroi, mais également de Bruxelles et même de France. Vers 1870, les patrons sidérurgistes firent pression sur les sociétés charbonnières du bassin : pour baisser les prix du charbon wallon, ils n’hésitèrent pas à s’approvisionner en Allemagne. Vers 1873, les affaires reprirent mais d’autres conflits sociaux éclatèrent régulièrement, entraînant la chute des prix du charbon et, par conséquent, la baisse des salaires. Ces mouvements alternèrent avec les grèves des ouvriers métallurgistes du bassin. Ces bouleversements se poursuivirent jusqu’à la Première Guerre Mondiale ; en 1910, le bassin avait atteint une production de 8,6 millions de tonnes. |
L’éclatement de la guerre fuit suivi d'une période de grande prospérité. En 1929, le Pays Noir comptait 42 300 mineurs répartis dans 79 fosses pour une extraction annuelle de 7,8 millions de tonnes de charbon. A cette époque, l’Association des Charbonnières des Bassins de Charleroi et de la Basse-Sambre était composée de 26 sociétés qui organisaient une exploitation rationalisée et lucrative. Le bassin produisait alors jusqu’à 30 % de la production belge totale. Certains puits étaient à la pointe de la technologie : le Bois de Cazier automatisa l’extraction et la circulation des wagonnets en surface dès le début des années 1930. D’autres charbonnages s’équipèrent de centrales électriques propres qui leur permirent de brûler une partie des charbons invendables auparavant stockés. Le surplus d’électricité fournie était alors revendu à des prix profitables et intégré dans le réseau. La province du Hainaut produisait encore plus de 60 % de la production totale belge et pouvait se targuer d’activités d’exportation dynamiques, notamment vers la France mais également vers la Hollande et la Suisse. |
Le lent déclin amorcé dans les années 1920 Avec l'arrivée progressive de nouvelles sources d’énergie et l'augmentation des importations de charbon bon marché en Belgique, l’industrie charbonnière traversa une lourde crise. Une surproduction des charbonnages entraîna des vagues de licenciements massifs, le nombre de mineurs en Belgique passant de 173 000 en 1928 à 117 000 en 1940. Simultanément, la part des mineurs d’origine étrangère travaillant dans le fond (notamment des Italiens) augmenta. Malgré les fusions, le bassin de Charleroi comptait toujours un nombre plus important de petites sociétés que les autres bassins, ce qui était notamment dû au fait que certaines d’entre-elles appartenaient, partiellement ou totalement, à des entreprises métallurgiques. Ce n’est qu’au début de la Seconde Guerre Mondiale – la production dans le Pays Noir avait à peine atteint 8,4 millions de tonnes en 1938 – que le bassin flamand de la Campine, ouvert après la Première Guerre Mondiale, supplanta le Pays Noir qui était jusqu’alors le bassin le plus performant de Belgique. |
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Bois du Cazier / Pays Noirhttp://gr-atlas.uni.lu/index.php/fr/articles/wi55/st71/pa89?task=view&id=411#sigProId23dc6e99e2 En 2012 le sité a été inscrit dans la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO en qualité d'un de quatre sites miniers majeurs de Wallonie Photo : M. Agrillo 2007 (CC) |
Alors que la bataille du charbon était déclenchée au lendemain de la Guerre, les charbonnages du Pays Noir firent appel, faute de machines, à des travailleurs originaires de Flandre et d’Italie. En 1950, le Pays Noir comptait 18 sociétés qui se partageaient un nombre total de 57 puits pour un volume d’environ 6,7 millions de tonnes de charbon, ce qui correspondait à un tiers de la production wallonne (19,1 millions de tonnes) et à un quart de l'ensemble de la production belge (27,2 millions de tonnes). |
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Amercoeur / Pays Noirhttp://gr-atlas.uni.lu/index.php/fr/articles/wi55/st71/pa89?task=view&id=411#sigProId8c1a82d44e Source : Ancienne carte postale |
En 1951, la Belgique signa le Traité de la CECA qui fit ouvrir, dès 1952, les frontières sur le marché européen du charbon et fit baisser les prix excessivement élevés du charbon belge. Malgré les dédommagements versés par la CECA pour leur restructuration et leur rationalisation, les mines belges fermèrent les unes après les autres car les conditions géologiques étaient plus défavorables que dans les pays voisins. La production de charbon dans le Pays Noir passa de 7,2 millions de tonnes au début des années 1950 à 5,3 millions de tonnes en 1960 pour chuter finalement à 3,8 millions de tonnes en 1967. |
Bien qu’il fût équipé en 1960 des équipements les plus modernes, le charbonnage Sainte Catherine du Roton essuya rapidement de nouvelles pertes. Après l’éclatement de grands mouvements de grève dans les années 1960, l’industrie minière perdit peu à peu l'appui de la population et de l'Etat qui n’était plus disposé à dépenser des sommes faramineuses pour subventionner le secteur. |
Même les Charbonnages de Monceau-Fontaine, la société la plus performante de Belgique qui possédait une exploitation de 7 260 hectares et enregistrait jadis une production annuelle de près de 2 millions de tonnes de charbon, finit par fermer ses portes. En 1975, ce fut au tour du siège du Pêchon à Couillet de déclarer forfait ; la production de charbon dans le Pays Noir chuta en dessous du million de tonnes et les derniers puits fermèrent les uns après les autres : le puits de Tergnée à Aiseau-Presles en 1977, le puits n° 18 Parent à Marchienne en 1978, le puits n°19 Bas Long Prés à Marchienne en 1979 et le puits n°17 Bois des Vallées à Piéton en 1980. Entre 1980 et 1982, une mine à ciel ouvert d’une superficie de 45 hectares fut exploitée à Gosselies ; elle produisit un volume total de 159 000 tonnes de charbon. Alors que sa fermeture était initialement programmée pour 1981, le charbonnage Sainte Catherine du Roton à Farciennes bénéficia d’une brève période de sursis ; la société finit par mettre la clé sous le paillasson en 1984, laissant 1 100 employés sur la touche. Cette fermeture aura signé la fin définitive de l’extraction du charbon en Wallonie. |
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Ste-Catherine du Roton / Pays Noir était la dernière mine wallonne jusqu'à 1984http://gr-atlas.uni.lu/index.php/fr/articles/wi55/st71/pa89?task=view&id=411#sigProId0618488614 Source : Ancienne carte postale |
Berwart, R. (1994): Le bassin minier de Charleroi et de la Basse-Sambre. Dans: Roger Berwart/Philippe Delforge (Hg.): L’héritage des gueules noires. De l’histoire au patrimoine industriel - Archives de Wallonie, Charleroi, S. 109-156.
Dejollier, R. (1988): Charbonnages en Wallonie. 1345-1984. Namur.
Delaet, J.-L. (2002): Les charbonnages du pays de Charleroi aux XIXe et XXe siècles. Dans: Herrmann, H.-W. u. P. Wynants (Hg.): Acht Jahrhunderte Steinkohlenbergbau - Huit siècles de charbonnage. Colloques Meuse-Moselle 2, Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur. Namur, S. 107-121.
Delwiche, M. et Groff, F. (1985): Les gueules noires. Bruxelles.
Lebrun, P. (1981) : La révolution industrielle. Dans: L’industrie en Belgique. Deux siècles d’évolution 1780-1980, Bruxelles.
Pellin, P. (o.J.): Charbonnages du Hainaut.
Office communal de tourisme Fleurusien: Les mines de la région de Charleroi
Patrimoine industriel Wallonie-Bruxelles asbl